Vincent Barneoud incarne la quatrième génération d’arboriculteurs sur l’exploitation familiale, dont les 40 hectares s’étendent sur Remollon, Rochebrune et Théus. Après son arrière-grand-père, Léon ; son grand-père, René et son papa Francis ; Vincent a repris le flambeau en 2009. Rencontre avec un agriculteur passionné, et passionnant.

 

Remollon. Vincent Barneoud : « Faites confiance à vos agriculteurs ! »
Mission Air Drone Services

V.B : À la base, ce n’était pas du tout prévu ! J’ai passé un bac S avec la volonté de devenir ingénieur en informa­tique. J’ai ensuite fait une année de droit avant de vouloir rejoindre l’armée. Comme j’avais six mois de libre en at­tendant de m’engager, j’en ai profité pour travailler avec mes parents.

Et c’est là que tout a changé ?

V.B : Exactement. J’ai découvert un métier passion­nant, qui m’a beaucoup plu malgré la difficulté. Le travail en extérieur, le contact avec la nature, j’y retrouvais une part de calculs mathématiques aussi ! J’ai donc décidé de rester. Je me suis inscrit en BTS horticulture et après six mois de stage en Nouvelle-Zélande, j’ai repris l’exploita­tion familiale.

Quelles variétés cultivez-vous ?

V.B : Je produis des pommes, des poires, des cerises, des abricots, des nectarines et des prunes. Côté pommes, la variété principale est la Golden, qui représente environ 90 % de ma production, que je complète avec la Reinette Grise.

Avez-vous changé votre manière de produire au fil des années ?

V.B : En 2011, j’ai commencé par convertir trois hectares de pommes en agriculture bio. Puis en 2019, j’ai franchi le pas avec l’intégralité de mes vergers de pommes, soit 15 hectares en bio. Mais malheureuse­ment en 2023, j’ai dû faire marche arrière et revenir à une agriculture conventionnelle sur toute l’exploitation. Ce n’est pas un choix de coeur, mais de raison. Il faut se confronter à la réalité : on entend souvent qu’il faut consommer bio, mais dans les faits, les consommateurs n’achètent pas bio. Cela a représenté un gros investisse­ment, en temps comme en argent, mais il m’a fallu faire ce choix pour pouvoir continuer à vivre de mon métier.

Comment se prépare la saison des pommes ?

V.B : On commence en novembre pour préparer la récolte de l’année suivante avec la taille, l’engrais et la nutrition des arbres. Puis débute le travail de prévention contre les ravageurs. On applique des traitements préven­tifs, de type biologique, pour réguler les populations de nuisibles. L’idée n’est pas d’éliminer, mais de maintenir un équilibre, pour éviter qu’ils ne prennent le dessus. On crée alors une véritable barrière physique et biologique autour du végétal.

Fin mars, on entre dans la période des risques de gel. Pour les fruits à pépins, comme la pomme, on utilise l’arrosage : on crée volontairement une couche de glace autour des fleurs. En se formant, elle libère de l’énergie, et donc de la chaleur.

En mai, c’est l’arrivée de la tavelure (maladie fongique). Un vrai défi. On doit intervenir tous les cinq jours avec des traitements biologiques de contact, directement ap­pliqués sur le végétal, pour assurer une protection effi­cace. Parallèlement, on gère aussi les pucerons, qui sont de plus en plus difficiles à contenir.

Entre juin et juillet, on enlève manuellement les pommes en trop pour que les autres puissent grossir correctement, avant d’appliquer un traitement de conservation. Début septembre, on lance la récolte, entièrement à la main ».

Pourquoi la tâche est de plus en plus difficile avec les pucerons ?

V.B : Parce que les produits vraiment efficaces ne sont plus autorisés. Les nouvelles méthodes sont bien plus chronophages et bien moins efficaces. Résultat : on ob­serve en moyenne une perte de production de 20 % sur les pommes. Et cela génère beaucoup plus de travail, pour un résultat qui n’est pas toujours au rendez-vous.

Où vendez-vous vos pommes ?

V.B : Je vends mes pommes à Fruits et Compagnie au Beynon à destination des supermarchés français. Ce choix s’explique simplement : la marge sur les pommes est extrêmement faible. Pour que l’exploitation soit viable, nous sommes contraints de vendre en très grande quantité. Le circuit court ou la vente directe ne sont pas envisageables à cette échelle. Il faut aussi savoir qu’en arboriculture on est payé un an après la vente. C’est une contrainte importante, car cela signifie qu’il faut assu­mer tous les coûts de production en avance.

Quel a été l’impact des conditions climatiques sur cette saison ?

V.B : Pour la première fois depuis vingt ans, nous n’avons pas eu de période de gel au printemps. Cela a entraîné une production de pommes particulièrement élevée. C’est une bonne chose en soi, mais cela a aussi provoqué une forte concurrence. L’offre dépasse large­ment la demande, ce qui tire les prix vers le bas.

C’est mieux quand ça gèle alors ?

V.B :… J’ai un métier compliqué !

Comment percevez-vous l’évolution de votre métier dans les années à venir ?

V.B : J’ai mis en place l’automatisation du système d’arrosage afin de réduire la consommation d’eau. Mais l’avenir de notre métier dépend surtout des décisions des pouvoirs publics et de l’évolution des habitudes de consommation. Aujourd’hui, notre filière est en diffi­culté. Les normes imposées aux producteurs français sont bien plus strictes que celles en vigueur à l’étranger, ce qui nous pénalise fortement face à la concurrence. On nous retire certains produits mais sans nous proposer d’alternatives viables. Si rien ne change d’ici trois ans, la situation risque de devenir intenable pour beaucoup d’exploitations.

Quel message souhaitez-vous adresser aux consommateurs ?

V.B : Achetez local, soutenez vos agriculteurs, faites-nous confiance ! Nous exerçons un métier exigeant, difficile, mais nous le faisons avec passion et dans le respect des règles. Personnellement, je suis contrôlé plu­sieurs fois par an et je possède l’ensemble des labels qui garantissent la qualité de ma production. Votre soutien est essentiel pour faire vivre notre agriculture.

 

Abonnez vous à cet Hebdomadaire Alpes & Midi, faisons vivre la presse locale !