Le texte ci-dessous est extrait de l’ouvrage d’Antoine Albert (1). Édité en 1783, il donne une vue intéressante du village peu de temps avant la Révolution.
« Remollon, paroisse et communauté de l’Embrunais, [est] située sur la rive droite de la Durance, entre Théus et Valserres, à cinq lieues d’Embrun et trois de Gap. On y compte quatre vingt dix familles, dont les maisons sont toutes réunies dans un seul village, à qui l’on peut donner le nom de bourg. Elles composent environ quatre cents personnes. Quoique Remollon et Théus forment aujourd’hui deux communautés différentes dont chacune a ses consuls en particulier, cependant ces deux endroits dans le dénombrement des élections de Gap, ne font qu’une même communauté où l’on compte trois quarts, un douzième et un trente et un huitième et un trente deuxième de feu pour les fonds nobles, quatre feux un quart, un huitième et un trente deuxième de feu pour les biens taillables, un tiers et un seizième de feu pour les fonds affranchis.
Le terroir de Remollon est presque tout en vignobles. Il y a peu de champs et de prairies, et l’on dit communément que le blé qui croît dans ce pays suffisait à peine pour nourrir les domestiques.. Le vin y est des meilleurs de tous les environs, tant de l’Embrunnais que du Gapençais. On le transporte en grande partie dans le Briançonnais, dans la vallée de Queyras, dans le haut Gapençais, et même dans le Grenoblois. Les seuls habitants de Remollon ne possèdent pas toute les vignes qui y sont. Il y a bien des particuliers de Gap, d’Embrun et d’autres endroits, qu’on appelle Forains, qui y ont des domaines. Ils s’y rendent au printemps pour les faire travailler, et en automne pour pour la vendange. Alors Remollon ressemble à une petite ville par le grand nombre d’étrangers qu’on y voit.
La paroisse de Remollon a un avantage que les autres n’ont pas : ce que n’ayant qu’un Curé, elle a deux Eglises pour y faire les fonctions curiales, l’une sous le titre de St. Sébastien, qui est située au pied du village, et l’autre sous le titre de St. Pierre, qui se trouve au centre, et qui, dit-on appartenait à l’abbaye de Boscodon. Celle de St. Sébastien était l’ancienne paroisse où l’on faisait toutes les fonctions. Mais comme elle n’était pas aussi à la portée pour les habitants que celle de St. Pierre, on fait aujourd’hui toutes les fonctions dans cette dernière.
Il y a un prédicateur de carême établi dans cette paroisse, par une fondation faite par un habitant nommé Giraud (2). Le Curé conjointement avec les consuls, présentent à l’archevêque d’Embrun le prédicateur qu’ils souhaitent pour le faire approuver. On y prêche aussi les quarante heures, ensuite d’une autre fondation faite par un nommé Allard, dont la famille tient un des premiers rangs dans cette communauté.
L’abbé de Boscodon est prieur décimateur de Remollon, de même que de Théus, et il nomme aux cures de ces deux paroisses. Il y possède des vignes qui lui furent données en 1140 par Giraud de Jarjaye. Il tient un sous-prieur dans la paroisse, pour y dire la messe fêtes et dimanches. Il y a encore dans le terroir de Remollon le prieuré de St. Maurice, qui est situé au haut de la montagne, du côté de St. Etienne d’Avançon, et qui était autrefois possédé par un religieux de Boscodon.
La Seigneurie de Remollon appartient à l’abbé de Boscodon, au Marquis de Bellafaire, et au Seigneur de Théus. Ces deux derniers y ont la haute justice, et l’abbé de Boscodon la moyenne et la basse.
A quelque distance de Remollon du côté d’Embrun, il y a un bateau sur la Durance qui appartient au marquis de Bellafaire. Il sert pour la communication de la Provence avec le Dauphiné. C’est là où passent les troupes du Roi, qui de la Breoulle vont à Gap. Remollon est le lieu d’étape où elles logent.
Total: 90 familles, 405 personnes ».
(1) Antoine Albert Histoire naturelle, écclésiastique et civile du diocèse d’Embrun 1783 – Réédition par l’Association des Hauts-Alpins du Var. 1959
(2) Il s’agit de Claude Giraud, décédé en 1693, quelques mois après l’incendie général du village par les troupes du duc de Savoie. Il fut plusieurs fois Consul du village, et fit don par testament de tous ses biens aux “pauvres de Remollon” qui abondaient après la destruction quasi totale du village. Cette fondation est à l’origine du Bureau de Bienfaisance qui s’est perpétué sous différentes formes jusqu’à nos jours